Le samedi 28 janvier, le GFEN* proposait les 14ème rencontres « Pour que la maternelle fasse école » avec pour thématique « Apprendre à se poser des questions, se questionner pour apprendre ».
La journée a débuté par une conférence d’Olivier Maulini (Université de Genève-Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation), puis elle était suivie de 6 ateliers, elle se clôturait par une intervention de Jacques Bernardin, président du GFEN.
La démarche du GFEN est toujours de faire réfléchir et agir les participants car, comme le disait Henri Bassis, un de ses anciens présidents, « Expliquer empêche de comprendre quand cela dispense de chercher ». La confiance en les facultés des enseignants est donc au centre de la journée, contrairement à l’école de la confiance voulue par le précédent ministre.
Olivier Maulini a abordé, dans son intervention, l’angle pédagogique du questionnement en interrogeant le paradoxe de l’école : « Celui qui sait interroge celui qui ne sait pas ». Les dérives du cours dialogué sont exposées : humiliation de l’élève si sa réponse est fausse, ignorance qui peut faire peur, passivité d’une partie de la classe et soumission des élèves au diktat de l’enseignant « On ne parle que lorsqu’on est interrogé ». Le chercheur introduit ensuite le mode de fonctionnement du GFEN, schéma de renversement « l’école répond aux questions que les élèves se posent ». Le problème est qu’en Maternelle, les questions des élèves peuvent être assez décevantes, leur questionnement étant souvent une recherche de sécurisation. C’est donc le rôle de l’enseignant de les guider afin qu’ils s’approprient une normalisation du questionnement en validant ou en invalidant les questions. Maulini ajoute « Pour que le langage se transforme en pensée, nous devons accepter que c’est parce qu’on lui parle que l’être humain se met à parler, que c’est parce qu’on le questionne qu’il peut (réflexivement ) se questionner ». L’enseignant pourra utiliser la question d’un de ses élèves afin d’en faire une question collective qui fera progresser tout le groupe.
Deux des ateliers proposés prenaient leurs sources dans des travaux d’Odette Bassis et sa pratique de l’auto-socio-construction.
Odette Bassis a été professeure de mathématiques dans le second degré puis formatrice en IUFM et enfin enseignante en sciences de l’éducation. Elle a participé à plusieurs stages sur les conceptions et pratiques de la pédagogie. Elle a été présidente du GFEN de 1994 à 2007.
Lorsqu’elle et son mari ont mis en place une vaste expérience de formation des maîtres au Tchad, ils ont été remerciés par un « vous êtes dangereux, vous leur apprenez à penser »… Plus tard, à l’IUFM, un étudiant décontenancé par sa pédagogie lui dira : « Madame, vous êtes une mauvaise professeure car vous nous obligez à comprendre ».
Les ateliers « Passer du monde réel à l’univers mathématique » et « Lire un album » sans question » » étaient des adaptations de méthodes portées par Odette Bassis.
Le premier partait d’un problème posé à des grandes sections en début d’année : « Maman va au marché, elle achète 3 oranges et 2 bananes. Combien de fruits a-t-elle achetés ? ».
Étape 1 : Compréhension de l’énoncé. Ce dernier est lu, sans la question, puis théâtralisait par tous les élèves, les uns après les autres, il est également reformulé. La consigne est ensuite donnée aux élèves : « dessine l’histoire », puis chaque enfant vient décrire son dessin devant la classe.
Étape 2 : Questionnement de l’enseignant : qu’est ce que sont les mathématiques ? Qu’est-ce qu’on cherche ? Les élèves, qui ne connaissent pas encore la question associée à l’énoncé peuvent proposer ce qui leur vient à l’esprit. La question du problème sera peut-être trouvée lors de cette phase. Les élèves devront alors y répondre par un dessin.
Étape 3 : Avec une ardoise et un sablier.
A. Faire un dessin rapidement (les élèves vont vers la schématisation).
B. Dessiner sur un papier ce qui vous paraît le plus important.
Les 3 étapes n’ont pas la même durée et se font en plusieurs fois. L’entrée dans la schématisation se fait assez naturellement, tous les éléments superflus du dessin disparaissant lorsque le mot « rapidement » apparaît dans la consigne.
Cette approche, répétée à chaque période, permet aux élèves de mettre en relief les données essentielles qui permettront de résoudre le problème et de schématiser l’énoncé afin de répondre à la question posée.
L’atelier 2 proposait d’utiliser la méthode de compréhension « Album sans question » à partir de l’album « Pétronille et ses 120 petits » de Claude Ponti.
Dans une première partie, le formateur lit l’album en montrant les illustrations. A chaque pose, chacun peut faire des remarques ou poser des questions. Seules les questions sont notées au tableau au fur et à mesure.
Dans une deuxième partie, le formateur demande quelles sont les questions auxquelles on peut répondre. On obtient la classification suivante :
1. Les informations sont dans le texte ou l’image.
2. Il est nécessaire de faire des inférences, de mettre en relation des informations.
3. Des interprétations sont nécessaires.
Avec des élèves, ces temps de compréhension collective permettent à chacun de s’exprimer et aussi de s’entraider, les propositions des uns alimentant la réflexion des autres. La richesse illustrative des albums de Claude Ponti permet aux élèves de poser beaucoup de questions issues des trois catégories. Cette méthode met les élèves, futurs lecteurs, dans une position active d’écoute et les prépare à avoir une posture de chercheurs face aux textes qui leur sont proposés.
Dans sa conclusion, Jaques Bernardin redéfinit la problématique de départ « suffit-il de poser des questions pour que les élèves s’en posent ? » en finissant par une question rhétorique si l’on se base sur les valeurs du GFEN « Conformer les esprits ou éveiller les consciences ? ».
*Groupe Français d’Éducation Nouvelle