Des élèves-chercheurs et des fourmis

Un vendredi après-midi, dans une classe de CM1-CM2, qui plus est en ZEP, on ne s’attend pas forcément à entendre les mots : hypothèse, expérimentation, myrmécologue, mandibules, trophallaxie, maniper, pupe*… et ces écoliers de 9-11 ans savent parfaitement de quoi ils parlent et prennent le temps de m’expliquer.

Il faut dire que le journaliste venu peu de temps auparavant “n’avait pas bien compris”, ils s’en sont rendu compte en lisant son article, alors avec moi ils ont décidé de faire un effort de PÉDAGOGIE ! Ça tombe bien j’adore apprendre et encore plus apprendre des élèves !

Ils me font un résumé des épisodes précédents : les fourmis présentes dans leur classe depuis l’automne ont commencé à construire une muraille autour de leur nid pendant les vacances d’hiver, muraille composée de débris (des cadavres de fourmis, des bouts d’éponge et de mouchoir, des petits moutons de poussière etc.). Les élèves ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’une évacuation des déchets du nid, ils ont donc détruit la muraille et ont constaté que les fourmis en construisaientt aussitôt une autre en utilisant des éléments qui ne venaient pas du nid. La première hypothèse fut donc invalidée. IMG_20130531_140834

Je ne vous raconte pas tous les détails que vous trouverez dans ce document collaboratif tenu par les élèves et j’en viens directement au contexte du jour… Les myrmécologues, avec lesquels ils échangent par mail, pensent que parmi les hypothèses des élèves la plus vraisemblable est celle-ci : la muraille serait une tentative de recouvrir le nid pour le rendre sombre (le nid des fourmis de la classe est une boîte transparente sur le dessus). Pour vérifier si cette explication est la bonne la classe a assombri le nid en mettant un cache en papier noir dessus et… les fourmis ont néanmoins continué leur construction. Donc, a priori, ce n’est pas la bonne explication, à moins que le papier ait laissé passer un peu trop de lumière au goût des fourmis précise un des élèves. Le cache est donc retiré, les élèves complètent leur cahier personnel de chercheur (que la maîtresse ne regarde pas, sauf s’ils le lui demandent) avec les résultats de cette expérimentation. Ensuite la discussion s’engage sur comment vérifier les autres hypothèses (nouveau nid, abri de secours, tentative de se faire un autre nid comme dans la nature…) cela va jusqu’à s’interroger sur ce qu’est la nature, l’instinct, l’adaptation au milieu ! Quelques tweets sont également échangés à ce propos avec François Taddei, chercheur en biologie et parrain scientifique de la classe qui vient régulièrement travailler avec eux.

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Ni les Myrmécologues, ni François Taddei n’ont de réponse au mystère de la muraille, cela signifie que ces élèves ont soulevé une nouvelle question et que, s’ils trouvent une réponse ils auront contribué à faire avancer la Science, rien de moins ! Ceci dit ce n’est pas une première, des enfants de leur âge ont déjà publié un article scientifique comme le raconte la vidéo ci-dessous !

 Alors extraordinaires ces élèves ? Non, ils ont juste la chance d’être entourés d’adultes qui les prennent au sérieux, les croient capables de réaliser de grandes choses avec un accompagnement bienveillant et l’apprentissage rigoureux de la démarche d’investigation. La preuve ? Quand la maîtresse sort un paquet de carambars (bi-goût, détail important !) les chercheurs en herbe s’agglutinent autour d’elle comme n’importe quels autres enfants de leur âge…

Écoutez l’émission de Rue des Écoles diffusée sur France Culture le 30/03/2013 où la maîtresse Ange Ansour et François Taddei expliquent la démarche et où l’on entend chanter les élèves : “Les enfants chercheurs : la recherche scientifique comme modèle d’apprentissage”

Le Storify de ma visite dans la classe

*myrmécologue : chercheur qui étudie les fourmis
mandibules : pinces dures et cornées, servant à saisir ou à broyer la nourriture, mais aussi d’armes ou d’outils
trophallaxie : échange de nourriture entre deux fourmis
maniper : effectuer une manipe en jargon de chercheur
pupe : étape intermédiaire entre la larve et la fourmi adulte

8 réponses à “Des élèves-chercheurs et des fourmis

  1. Il était une fois une école qui savait regarder, écouter, entendre les enfants et travailler avec les enfants. Une école qui leur permettait de prendre leur place, une école qui sans a priori de leur capacité de faire ou non leur permettait de devenir des grands hommes ou tout simplement des êtres ouverts et qui n’avaient pas peur des changements, qui se méfiaient de leurs certitudes. Histoire à lire à ceux qui fréquentent les écoles où l’adulte a des certitudes et refuse les changements. Merci à tous ces petits écoliers et à leur maîtresse… Professeuse des Ecoles 😉

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  5. j’ai plus de 65ans et je me souviens en primaire le matin ns avions 1/4 h de calcul mental. Comme un jeu, aucune note ni sanction seul le plaisir de trouver avec des méthodes bien entendu. Un vrai régal ! c’était il y a longtemps, un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

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