L’iPad dans un stage de remise à niveau : révolution ou illusion ?

Professeure des écoles dans le quartier de la Goutte d’Or, à Paris, j’ai choisi d’encadrer un stage de remise à niveau, pendant les vacances de printemps, avec des élèves de CM2.
Pour la seconde fois dans ce cadre, j’ai testé l’iPad de la circonscription. Cet iPad m’est confié et je l’utilise au quotidien dans ma classe de petite section (vous pourrez lire aussi ici : Inspection de la Goutte d’Or). 

Les conditions : ce groupe est constitué de six élèves qui ne sont pas en « très grande difficulté ». Les compétences à travailler ont été listées par le maître de la classe de CM2. Le stage se déroule sur cinq demi-journées. Leurs difficultés résidaient par exemple sur les opérations avec des nombres décimaux, l’accord des adjectifs, du participe passé, la résolution de problèmes. L’effectif allégé permet la remédiation et une réelle individualisation.
Je vais essayer de faire un bilan de l’utilisation de la tablette tactile pendant ce stage. Cette expérience m’a amenée à me poser beaucoup de questions : je vous livre mes impressions notées au moment du retour des fiches-élèves pour le maître de la classe.

Du côté des élèves :

– Une immédiate motivation : l’iPad a tout de suite séduit les élèves : objet technologique, nouveau, extraordinaire (ça change de la classe « ordinaire »). Une certaine excitation aussi : ils étaient impatients de travailler, d’apprendre ! (ça commençait bien !). J’espère que nous sommes allés au-delà de la simple séduction

– On fait confiance à ces élèves : une valorisation pour eux qui vivent dans un quartier défavorisé. Un bel objet est mis à leur disposition.

– Je constate une meilleure concentration, elle contraste avec le « nez en l’air » lors des exercices traditionnels, individuels, sur papier : une incitation à apprendre avec la tablette tactile. (une invitation ?)

Révision plutôt qu’acquisition, l’iPad permet de s’entraîner, de revenir sur les notions, de relire les leçons, plutôt que de les découvrir. La tablette permet plutôt la consolidation.
– Je ne souhaitais pas utiliser l’iPad comme « simple » outil de consommation, j’ai donc apporté un volet création : nous avons réalisé un petit livre numérique au format ePub dans l’application Book Creator : « portrait(s) de stage ». Il s’agissait de s’exercer à écrire des portraits (auto portrait, imaginaire, portrait de candidat, portrait à partir d’œuvres d’art) tout en travaillant (mine de rien) les points de grammaire, d’orthographe, de conjugaison ciblés dans les compétences qui m’ont été transmises. Il s’agissait aussi d’apprendre à insérer le texte, des images, de les modifier (taille, couleur, emplacement).

L’iPad permet la production de contenu. : iTunes Store

Personnalisation : chacun avait sa «mission» : des compétences à travailler sur l’iPad, en plus du projet en production écrite (= un bristol avec une liste d’items à travailler, accompagnée des emplacements précis où les trouver : « le guide de l’iPad » – une page -). Une réelle individualisation est possible avec la tablette en classe.

– J’ai organisé l’iPad en créant une page par matière, pour faciliter le repérage des différentes applications dont ils ont eu besoin pour réaliser leurs «missions» (leur contrat). Les pages Français et Mathématiques, certes, mais aussi une page Histoire (pour découvrir des textes différents), géographie, une page histoires à lire, une page pour dessiner (à insérer si besoin dans l’eBook en création). L’autonomie des élèves est essentielle à souligner, face à l’utilisation de la tablette et face aux tâches demandées.

Quelques unes des applications utilisées :  
– iTooch CM2, http://www.itooch.fr/ beaucoup de compétences du programme à réviser. Les atouts constatés : le programme est bien couvert par les activités proposées, l’enseignant visualise la progression, les leçons sont concises, claires.

       

Français iTunes Store ; Mathématiques iTunes Store

 MyBlee : http://www.myblee.info/, en français et en mathématiques, les leçons et entraînements qui concernaient ces élèves : le vocabulaire, la résolution de problèmes (NB : d’autres « livres » prochainement disponibles. Un de ses (nombreux) atouts est la création d’un compte personnel pour chaque élève.

    

iTunes Store
Mais aussi, « Napoléon, quelle histoire ! », Grammaire CM2 (Emmanuel Crombez), Le Bled, Conjugaison Bordas, Orthographe CM2 (Génération 5) etc.

– L’auto-correction incluse dans chaque activité permet une grande autonomie. L’élève a accès aux explications quand il le souhaite : il ouvre / ferme l’onglet « leçon » selon ses besoins. Il aura bien entendu l’aide de l’enseignant si celle de l’application ne convient pas. Toutes les applications ne contiennent pas de rappel de leçon, certaines ne proposent qu’un simple entraînement, une vérification. Le maître choisit alors le type d‘activité en variant les applications.
– Je souligne l’importance des interactions entre les élèves (ils travaillent par deux (ou trois) sur la tablette). Les échanges qui se créent autour des apprentissages sont très riches, très productifs : une entraide réelle, une vraie coopération se sont installées, une collaboration.

Voyons à ce sujet les modalités de travail proposées au groupe :

Du côté de l’enseignant :

– La préparation est importante au niveau de l’organisation du contenu (tester, chercher, sélectionner les applications) et celle du groupe : comment faire alterner au mieux les moments de travail individuel / collectif / sous-groupe et les moments avec l’iPad ? Parce que non, l’iPad n’est pas tout dans ce stage ! Une rigoureuse gestion est nécessaire.
Dans un groupe de six élèves, chacun travaillera deux fois avec la tablette, par matinée et pas forcément avec le même camarade.

– Un avantage indéniable est l’attention de l’enseignant « libéré » de 2 élèves (qui travaillent quand même !) pour travailler avec un (encore plus) petit groupe d’élèves. Il est plus disponible encore !
Travailler avec une tablette remet en question l’omniprésence de l’enseignant « tout-puissant » qui n’est plus seul à transmettre le savoir ou les explications. Il fait alors confiance à l’élève, selon son contrat, pour travailler selon ses besoins, selon son rythme, selon ses préférences : l’élève organise son moment de travail sur la tablette, (chose bien plus difficile avec une pochette de documents …). Ce n’est pas (encore) la disparition du maître mais plutôt un peu de son temps libéré pour les autres élèves.

– Il y a cependant quelques limitations. Le temps de travail sur la
tablette est limité pour chacun mais, dans ce dispositif, les élèves ont vraiment besoin des encouragements de l’adulte, de son regard bienveillant, de ses explications, personnalisées. L’enseignant est plus disponible.
Nous n’avions pas de connexion pour accéder à des données, des informations et optimiser les usages de la tablette.
Limitation également de budget : j’ai investi environ 15€ à chaque stage et c’est le deuxième. Le tarif est raisonnable.
Limitation de l’expérience : comment savoir ce qui a vraiment été solidement acquis, solidement « réparé » pendant ces cinq demi-journées ? Le maître de la classe pourra le dire, le constater ou pas …

Évaluation ? La correction est immédiate. L’enseignant, en fin de session, va regarder les réussites ou les difficultés au moment des changements de groupe, quand l’élève a terminé un module ou, avec MyBlee, en consultant son compte personnel. Certes, et cela pose question, l’enseignant ne voit que le résultat final du travail, il ne voit pas l’élève en train de chercher : il ne s’agit que d’un moment d’entraînement : d’autres moments de travail sont prévus pendant la matinée. Il y a moins d’interventions de l’enseignant, moins de sollicitations aussi de la part des élèves, donc une meilleure autonomie.

En conclusion, il me faut trouver un moyen efficace pour changer la configuration : avoir accès facilement à plusieurs configurations selon les publics auxquels je m’adresse … (Apple Configurator ?)

La tablette tactile a apporté un peu de plaisir dans ce moment de travail pendant les vacances, pour eux comme pour moi : un peu une récréation en travaillant. L’intérêt est aussi de rompre avec le quotidien ordinaire de la classe. Ces élèves manquent de confiance en eux, ils manquent d’autonomie dans les tâches individuelles, l’iPad est un atout pour valoriser, encourager et leur montrer qu’ils peuvent être autonomes. Il faudrait continuer l’expérience, sur la durée.
J’aimerais essayer Comic Life, pour créer une bande dessinée. Les élèves qui avaient fini une activité ont commencé, spontanément, à créer une histoire avec ToonTastic (sans avoir le temps d’aller au bout …).

L’iPad est une fantastique boîte à outils, un couteau suisse, un formidable support, une révolution, ce sont des lieux communs mais à nous, enseignants, de chercher à le mettre au service des apprentissages.

Véronique Favre, professeure des écoles, Paris 18b, Goutte d’Or ; 24/04/2012

Introduction et sommaire du dossier « éducation au Web2 »

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