Un atlas des jeunes en France, pour sortir des préjugés

Les auteurs de L’Atlas des jeunes en France ont présenté leur ouvrage lors de la journée d’études de l’APIGEN (octobre 2012).

L’atlas des jeunes en France, Les 15-30 ans, une génération en marche. Autrement, août 2012

Le choix opéré est celui de raconter les jeunes en dehors de l’école, jusqu’à l’âge de trente ans, pour des raisons statistiques, mais aussi parce qu’on peut considérer que le passage à l’âge adulte est généralement acquis à cet âge-là, bien qu’il puisse paraître tardif. Mais aujourd’hui, la sortie du système éducatif a lieu vers 21 ans contre 18 ans en 1950.  Le point de départ s’applique à analyser et déconstruire les idées reçues sur les jeunes, entre fantasmes et craintes, comme la mise en danger personnelle par exemple.

Cinq chapitres pour dresser un portrait social de la jeunesse en France, avec des données très récentes :

  • Portrait d’une génération
  • Devenir adulte
  • Peut-on parler d’une culture jeune ?
  • Etre et se mettre en danger
  • S’engager

Les jeunes sont très loin d’être égaux face aux difficultés, qui se concentrent sur ceux qui ne sont que peu ou pas diplômés. Etre un « Tanguy » (référence au film d’Etienne Chatiliez) n’est souvent pas un choix. Le vrai « Tanguy » est rare. La jeunesse n’a pas de frontière fixe ou immuable. On assiste actuellement à une désynchronisation de tous les seuils de passage (emploi, mariage…). Ce n’est pas une jeunesse en standby, elle est prête à s’engager d’après les enquêtes.

La jeunesse en France n’est pas que la jeunesse en métropole, mais les données sont plus maigres pour les territoires ultramarins. Néanmoins, des pages du livre présentent cette jeunesse d’Outremer dont le poids est très fort : 35% ont moins de 20 ans. Les difficultés sont nombreuses dont le chômage important et le cumul de freins à la mobilité, bien que la majorité des jeunes se disent prêts à quitter le département pour trouver un emploi. C’est encore pire d’être sous-diplômé en Outremer.

Quelles sont les valeurs des jeunes ? : famille et travail. Ce n’est pas très novateur. La famille est pour 9 jeunes sur 10 le domaine le plus important de leur vie. Même s’ils ne se réfèrent plus à la famille traditionnelle. Le travail est valorisé. Il s’agit d’un élément essentiel dans la construction de l’identité sociale. Les relations amicales occupent une place importante. La politique et la religion sont moins valorisées, mais les modes de participation et d’engagement ont évolué.

Depuis 30 ans, les structures familiales se sont transformées : l’âge de la première maternité est plus tardif, tout comme le mariage, alors que divers modes conjugaux coexistent ainsi que de nouvelles formes de vie familiale. Les solidarités familiales restent très fortes cependant : maintien prolongé chez les parents, aide à distance des parents pour expérimenter une première forme d’autonomie. La décohabitation avec le domicile parentale a lieu vers 23-24 ans, ce qui n’a pas bougé depuis longtemps, malgré l’aggravation du contexte économique.

Une entrée dans l’emploi difficile : on parle de génération précaire. 8 jeunes sur 10 accèdent à leur premier emploi en moins de 6 mois, mais ce n’est pas un emploi stable. Les jeunes sont une variable d’ajustement du marché de l’emploi. L’effet territoire existe, comme le stigmate d’être issu d’une Zone Urbaine Sensible. De manière générale, le diplôme protège toujours.

Concernant les ressources, l’argent de poche est réservé au superflu. Les premiers salaires sont très inférieurs aux salaires moyens des plus de 50 ans. La pauvreté des jeunes est très importante : 23 % des 18-24 ans vivent sous le seuil de la pauvreté. Cette situation est très problématique.

Du côté des loisirs et de la culture, la fréquentation des amis est importante. Au début du collège, la grande préoccupation est l’école et les activités extra-scolaires peuvent peser (comme la poursuite d’un sport). Le mouvement inverse se produit après 15 ans. L’école devient pesante et la fréquentation des pairs prend plus de place. Les jeunes lisent, pas forcément Hugo, mais les jeunes sont des consommateurs de livres. Rappelons que 43% des plus de 65 ans ne lisent pas. Il faut relativiser les idées reçues. Les jeunes d’aujourd’hui sont nés avec Internet. Ils pratiquent de nouveaux modes de consommation culturels, vers l’individualisation, à la demande, via le numérique. La révolution numérique favorise la consommation et l’éclectisme. L’ouverture culturelle est plus grande. On peut aussi s’interroger sur la faiblesse des programmes jeunesse à la télévision. Sur les réseaux sociaux, les jeunes peuvent aussi se mettre en scène. 80% des 13-15 ans ont ainsi un profil Facebook. C’est une mise en scène de soi, qui existe aussi sur les blogs. Les pratiques différentes selon sexe et milieu social. Les milieux sociaux favorisés fréquentent bien plus de sites internet diversifiés. Les enfants de cadre sont plus consommateurs de culture que les enfants d’ouvriers. Les héritiers (selon Bourdieu), cela fonctionne toujours.

L’atlas présente trois focus cartographiques sur des politiques territoriales publiques de grande échelle (géographique) à destination des jeunes à Tours, Le Havre, et Montreuil. Fidèle à une approche géographique, l’Atlas combine des analyses à plusieurs échelles, bien que, de l’aveu des rédacteurs de l’ouvrage, les données géolocalisées peuvent être parfois difficiles à prendre en compte ou à mobiliser. Signalons enfin que chaque chapitre s’ouvre avec une planche de bande dessinée extraite de « La vie rêvée des jeunes » de Riad Sattouf, pour un regard décalé et humoristique sur la jeunesse d’aujourd’hui, que cet atlas contribue, de manière claire, problématisée et actualisée, à mieux connaître.

Les auteurs sont chargés d’études à l’INJEP :

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