Socle commun : des questions sans réponses sur le projet du CSP

Le Conseil Supérieur des Programmes, vient de publier « des éléments de présentation du projet de socle commun » dans le cadre de la consultation ouverte actuellement par le ministère. Ce texte dresse « les constats sur le socle version 2006 », liste les « principes retenus pour l’organisation du socle », pour ensuite aborder très succinctement l’articulation avec les programmes et les questions d’évaluation.

Le SE-Unsa, partisan d’un socle commun utile, efficace, réellement démocratique, partage la volonté d’améliorer le socle commun de 2006, de mettre fin à la concurrence entre programmes et socle, entre différents modes d’évaluation. Pour autant, notre syndicat estime que ce projet de socle commun n’est pas en mesure de répondre aux défis posés par la refondation, voire qu’il s’écarte dangereusement de l’esprit d’un socle commun et même de celui de la loi de 2013.
Alors que la consultation a commencé, des zones d’ombre importantes subsistent sur ce projet de socle commun. Il nous semble essentiel que le CSP réponde aux questions que les enseignants se posent et éclairent plus simplement ses intentions.

Une nouvelle architecture qui n’améliore rien

Le CSP a choisi de renoncer à la recommandation européenne sur les compétences-clés en éducation et de bouleverser l’architecture du socle commun de 2006, afin d’en finir avec un « programme au rabais (un SMIC culturel) », reprenant ainsi une des pires caricatures du socle commun. Pour le CSP, l’objectif essentiel est d’aboutir à un « équilibre » : « chaque domaine requiert la contribution de plusieurs disciplines et, réciproquement, une discipline contribue à l’acquisition de plusieurs compétences ».
Si cette façon de fonctionner, redéfinir le contenu global de formation, appelée culture commune, permet en effet d’avoir une vision globale de l’élève idéal, elle ne changera rien, fondamentalement, sur la façon de produire les programmes. Elle ne garantit en rien le développement de l’interdisciplinarité, ce qui est le motif avancé pour revoir entièrement l’architecture du socle commun. Au final, chaque programme disciplinaire s’écrira dans son coin, avec ses objectifs, ses modalités d’écriture, ses objets de savoirs. Le programme des programmes, ce n’est pas un socle, dans le sens où il n’engage en rien à garantir des acquis communs aux élèves.

Questions

  • Où est le cahier des charges de l’écriture des programmes, qui garantirait cohérence et continuité ?
  • Comment les groupes chargés d’écrire les programmes disciplinaires pourront-ils s’emparer collectivement des objectifs décrits ?
  • Combien de programmes seront rédigés ?
  • Quels sont les fondements théoriques qui ont guidé les choix du CSP ? Quel est par exemple le fondement épistémologique ou didactique des “langages fondamentaux”? Quels sont les auteurs qui ont théorisé cette approche qui prend place dans le premier domaine ?

Exit les compétences

Au delà de la disparition d’un cadre de référence européen définissant les compétences-clés qui peuvent structurer le socle commun français, où sont passées les compétences ? La définition proposée par le CSP est pertinente mais l’apport d’une approche par compétences est par la suite complètement perdu de vue. Les objectifs de connaissances et de compétences ne sont qu’un assemblage de prescriptions disparates qui laisseront les collègues démunis face à la mise en œuvre et à l’évaluation. Les programmes devront puiser dans ces vingt objectifs pour les traduire en contenus enseignables et évaluables selon leur discipline. Nos craintes sont confortées par le premier programme proposé, celui d’éducation morale et civique, qui liste, à lui seul, 22 “compétences” (qui n’en sont pas).
La faiblesse de ce texte est donc de négliger et de réduire considérablement la notion de compétence, qui est pourtant un outil important si on veut adopter une évaluation progressive et positive des élèves. Alors que la présentation du projet de socle commun condamne une relation peu claire entre connaissances et compétences dans l’ancien socle, que dire de cette nouvelle articulation?

Prenons un seul exemple révélateur : la culture du jugement et du droit se décline en :
Compétences correspondantes
– Comprendre les principes et les valeurs d’une société humaniste et démocratique.
– Comprendre les raisons de l’obéissance aux règles et à la loi dans une société démocratique.
– Comprendre que la règle commune peut interdire, obliger mais aussi autoriser.
– Savoir participer à la définition de règles communes dans le cadre adéquat.
– Etre capable de conformer sa tenue, son langage et son attitude aux différents contextes de vie.
– Comprendre qu’il existe une gradation des sanctions et que la sanction est éducative (accompagnement,
réparation…).
Connaissances
– Connaître les grandes déclarations des droits de l’homme et les principes de la constitution de la Ve République.
– Connaître la diversité de statut des textes normatifs (règlements, chartes, lois, constitution, conventions
internationales, etc.).

Questions

  • Les compétences ici décrites correspondent-elles à la définition donnée de la compétence par le CSP ? Sont-elles des compétences ou des objectifs ?
  • Les compétences ici décrites ont-elles vocation à être évaluées, à être déclinées en niveaux de maîtrise, comme le recommande la partie évaluation du projet de socle ?
  • Est-ce que les programmes vont décliner un ensemble de “cultures de”… assemblant des connaissances et des compétences, sur le modèle de l’enseignement moral et civique ?

Ce qui doit être garanti…

L’énorme trou noir de ce projet est l’évaluation des élèves. Le projet de socle commun définit 5 domaines, 20 objectifs de connaissances et de compétences dont chacun liste des « attendus » de la part des élèves. Nous avons relevé qu’il y avait environ 160 composantes.

Questions

  • Est-ce qu’on attend que les élèves maîtrisent vraiment tout cela ?
  • Est-ce que ces prescriptions ne concernent que ce qui sera enseigné, mais pas forcément garanti ?
  • Si tout cela doit être garanti aux élèves et maîtrisé par eux, comment va-t-on faire pour le mesurer ou l’évaluer ?
  • Est-ce que cette liste ne s’adresse qu’aux concepteurs des programmes et ne concerne pas directement les élèves, qui auront des exigences autres ?
  • Les enseignants disposeront-ils d’un outil de suivi pour évaluer les compétences des élèves ?
  • Les élèves doivent-ils valider chaque composante ? Chaque objectif de connaissances et de compétences ? Chaque domaine pour obtenir la validation du socle commun ?

Pour conclure, le SE-Unsa souhaite vivement que des réponses soient apportées à ces questions qui pourront éclairer utilement la réflexion des enseignants dans cette phase essentielle de consultation.

2 réponses à “Socle commun : des questions sans réponses sur le projet du CSP

  1. Bref, toujours le même problème… Aucun critère de validation n’est prévu…
    Mais au fait à quel moment les enseignants ont-ils été informés de ces projets mis à part par les syndicats ???

  2. En effet, le SE-Unsa a souvent communiqué sur le sujet (ce qui est normal). Le ministère ouvre tout de même actuellement une phase de consultation massive, avec une demi-journée libérée dans les écoles et les collèges pour en discuter. Un mail a normalement été adressé à tous les enseignants, avec explication de la démarche et présentation du questionnaire en ligne.

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