Comment mesurer les acquis en fin de collège ? Les autres enseignements de l’enquête Cedre en Histoire-Géographie

competencesLa DEPP vient de publier une note d’information basée sur l’enquête par échantillon CEDRE (juin 2013). Que retenir de cette enquête ?

 « En six ans (2006-2012), les performances des élèves de fin de collège en histoire-géographie et éducation civique se dégradent sensiblement. On observe une baisse de 11 points du score moyen des élèves. La part des élèves dans les groupes de faible niveau augmente : elle passe de 15 % en 2006 à 21 % en 2012. Sur la même période, la proportion d’élèves dans le groupe de niveau le plus élevé diminue fortement : elle passe de 10 % à 6 %. Tandis que les programmes et leurs préconisations pédagogiques n’ont pas changé pour cette cohorte d’élèves, les réponses des élèves révèlent des apprentissages plus superficiels et des pratiques culturelles laissant une moindre place à ces centres d’intérêt. » L’enquête montre aussi que les garçons ont de meilleures compétences que les filles dans cette discipline, et que la baisse des résultats est plus marquée dans les établissements les plus difficiles.

Bien que cette enquête ne porte que sur une discipline, elle nous semble symptomatique d’un problème plus large sur la mesure des acquis des élèves, et de ce qu’elle révèle de notre système éducatif. Nous souhaitons éclairer trois points :

  • on peut relativiser la baisse observée
  • la mesure des compétences
  • des explications déterministes

On peut relativiser la baisse

Laurent Fillion pondère les conclusions hâtives qu’on peut mener avec ce genre d’études. Des médias font leur gros titre sur l’enseignement de l’Histoire-Géographie, discipline emblématique dans le paysage éducatif quand il s’agit de dénoncer le niveau qui baisse ou de modifier son enseignement. Pour notre collègue du SE-Unsa, il faut interroger ces résultats et entrevoir également une approche qualitative en complément d’une approche statistique.

La mesure de compétences

La description des six catégories d’élèves est particulièrement intéressante car elle décrit quels sont les degrés de maîtrise des compétences des différents groupes d’élèves. Les trois compétences évaluées par Cedre sont déclinées en items. Elles se rapprochent des capacités listées dans les programmes d’histoire-géographie, sans s’y conformer parfaitement. Nous nous posons en conséquence ces questions : sur quelle base didactique ces compétences ont-elles été listées ? Sont-elles le fruit d’un travail avec l’Inspection Générale? Cette description des groupes d’élèves condense des acquis de compétences. Existe-t-il une description des niveaux, non pas des élèves, mais des compétences ? Comment les évaluateurs certifient-ils la maîtrise d’une compétence ? Qui corrige ces évaluations, dans quelles conditions ? De même, dans quelles conditions les élèves passent-ils ces tests ? Comment les professeurs sont-ils intégrés à ce processus, s’ils le sont ?

Il ne s’agit pas ici de contester le protocole proposé et en partie expliqué dans la note, mais d’avoir plus de transparence sur toute la chaîne, de la conception des évaluations, au traitement des résultats, en passant par la passation des tests par les élèves.

Ces procédures pourraient permettre à notre système éducatif de mesurer les acquis des élèves, sur des bases didactiques intégrant la notion de compétences. Il s’agit aussi de mesurer l’écart ou non entre ces pratiques d’évaluation et celles en œuvre actuellement dans les classes, de voir si leur rapprochement est possible et/ou souhaitable et à quelles conditions.

Des explications déterministes

La note de la DEPP avance plusieurs raisons s’inscrivant dans un même champ : une transformation des pratiques culturelles des jeunes. Trois arguments sont avancés :

  • « Près d’un quart des élèves travaillent très peu en dehors des cours, avec moins de 15 minutes par semaine vouées à ces disciplines. » Il s’agit bien du travail à la maison.
  • « Les élèves semblent moins exposés, en dehors du travail scolaire proprement dit, à l’histoire-géographie et à la vie civique dans leurs pratiques culturelles »
  • « L’usage personnel que font les élèves des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) ne semble pas favoriser leur accès à une culture historique et géographique »

Pour résumer, les facteurs explicatifs des faibles résultats d’un groupe d’élèves relèvent de pratiques culturelles extérieures à l’école. Pour bien mesurer si ces pratiques sont discriminantes ou pas, nous aurions souhaité pouvoir comparer ces pratiques avec les groupes d’élèves les plus forts par exemple. Autrement dit, ces pratiques culturelles extérieures sont-elles au final fondamentales pour la réussite des élèves en histoire-géographie ou sont-elles considérées par la DEPP comme fondamentales ?
En conséquence, est-il acceptable que l’acquisition des compétences en histoire-géographie relève tant de facteurs extérieurs à l’école ? Surtout, comment alors garantir que ces pratiques soient moins discriminantes ?

Pour conclure, nous ne souhaitons pas relativiser la validité et la nécessité de telles évaluations, mais les mettre en contexte. L’enquête Cedre marque des avancées dans la réflexion sur les compétences en Histoire-Géographie. Mais les explications fournies par la DEPP doivent aussi nous amener à nous interroger fortement sur les pratiques scolaires, sur la pédagogie en œuvre dans les classes, sur le temps de travail en classe des élèves, sur la nature et la diversité des activités proposées aux élèves, sur l’usage des Tice dans la discipline. L’action doit porter sur ce que l’école peut améliorer, et non seulement sur le fait d’accepter ou de reconnaître que des pratiques culturelles extérieures déterminent l’acquisition des compétences scolaires.

Enfin, cette enquête peut être mise en relation avec l’évolution de l’épreuve d’histoire-géographie au DNB. Celle-ci se rapproche en effet d’un test standardisé permettant de mesurer de manière simple des acquis des élèves, mais avec un protocole très contestable (les élèves sont mobilisés de manière très variable face à l’examen, l’épreuve mobilise essentiellement des connaissances). S’il apparaît nécessaire de mesurer les acquis des élèves, l’enquête Cedre pourrait montrer combien l’épreuve du DNB est inadaptée à mesurer ces acquis.

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