L’EMI au collège et au lycée : un enjeu fondamental pour Delphine Barbirati et Sophie Bocquet  

delphineDelphine Barbirati est professeur de Lettres et travaille à la Délégation académique à la pédagogie du numérique, de l’académie de Grenoble.

 

sophieSophie Bocquet est professeur documentaliste dans l’académie de Rouen.

Nos collègues témoignent des pratiques pédagogiques liées l’Éducation aux Médias et à l’Information (EMI), avec leurs expertises et leurs convictions. Un regard croisé enrichissant et complémentaire, à l’image de l’EMI.

Quels sont les enjeux à développer l’EMI ?

DB – Ils sont nombreux. On peut citer la nécessité de savoir gérer son identité numérique (un point très important) mais également d’apprendre à discerner information et rumeur (toute la problématique liée à l’identification et à la vérification de ses sources). Enfin, l’EMI est un enseignement qui ne se conçoit que comme actif, et je pense que c’est à la croisée de questions comme l’inclusion, la personnalisation et l’individualisation des savoirs.

SB – Évidemment, former les futurs citoyens de demain, qui devront avoir un regard critique sur les medias et l’information. Nos élèves sont déjà amenés à publier, produire de l’information… dans le cadre scolaire ou personnel, peut-on les laisser produire sans leur donnés les clés ? Sans les accompagner et les éduquer ? À nous de les préparer dès la sixième pas à pas en construisant une véritable progression concertée et transdisciplinaire, en modifiant les pratiques pédagogiques pour plus d’autonomie. L’EMI est aussi un formidable moyen d’ouvrir le collège vers l’extérieur et le monde qui nous entoure.

Pouvez-vous nous citer un ou des projets d’apprentissage liés à l’EMI ?

DB – Mon travail, pour la DAN de Grenoble, m’amène à suivre des projets qui sont expérimentés en lycée. Les expériences sont nombreuses comme par exemple réviser le bac via Spotted ou encore « comparer » le réseau social de la Comédie Humaine avec celui de Facebook*. En lycée pro, cette année, une expérimentation s’est faite autour de ASK : comment utiliser « intelligemment » ce réseau social qui permet de se poser des questions entre pairs sans tomber dans les dérives de commentaires insultants ? La même réflexion a été menée parallèlement en collège. Enfin, comme dernier exemple, dans plusieurs lycées (LGT et Lycée pro) en lien avec la région, des journalistes ont aidé des élèves à réfléchir et à réaliser des posters sur l’opendata. L’exposition a été inaugurée le lundi 19 mai par le président de la région.

SB – Dans ma discipline, on travaille depuis longtemps l’éducation aux médias, j’ai donc fait pas mal de choses depuis le début de ma carrière. Le projet le plus notable, et celui qui a le plus motivé et marqué les élèves, est sans doute la participation à l’opération « Renvoyé spécial » du Clémi, réalisé par l’atelier tablettes. 6 élèves de 3è ont interviewé un journaliste exilé politique. Leurs outils de travail pour préparer et interviewer : Twitter et des tablettes. Durant l’année, ils ont acquis des connaissances sur la liberté de la presse, le métier de journaliste… Ils ont aussi recherché, synthétisé, trié l’information, communiqué avec des journalistes et des enseignants du monde entier… Ce projet les a bousculés, mais les a aussi responsabilisés, et rendus plus autonomes.

Quels sont encore, à l’heure actuelle, les écueils au développement de l’EMI au collège et au lycée ?

SB – Il y en a beaucoup à mon sens.  Le premier serait que l’EMI tombe dans les oubliettes du quotidien des établissements : pas le temps, pas l’envie, d’autres priorités… Les chefs d’établissement doivent impulser l’EMI. Ce n’est pas un dispositif de plus, l’éducation au médias existe depuis longtemps. Le deuxième écueil serait de se passer du professeur documentaliste alors que c’est un acteur central dans l’EMI et, a contrario, que ce soit le seul enseignant à agir dans cet « éducation à ». Nous sommes la discipline qui est la plus armée pour cet enseignement, mais c’est l’affaire de tous et le travail transdisciplinaire amène de la richesse dans l’EMI. Le dernier serait la complexité des notions qu’il sous tend, c’est pour cela qu’une progression de la 6ème à la 3ème me parait primordial.

DB – Le principal écueil est la (fausse) question des programmes et du Bac en particulier. Les collègues ont l’impression de perdre du temps et ne voient pas comment lier cette problématique de l’EMI avec leurs obligations. A ce titre, on peut donc dire que la formation reste notre point faible, la question du matériel reste prédominante dans chaque intervention au détriment des questions pédagogiques qui sont pourtant les enjeux réels.

 

* les comptes-rendus des expérimentations sont accessibles ici

 

 

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