Le cahier des apprentissages pour remplacer les devoirs ?

Dessin de Jack Kock pour les Cahiers Pédagogiques

Dessin de Jack Kock pour les Cahiers Pédagogiques

Supprimer les devoirs est une idée généreuse déjà assez ancienne, mais qui peine à s’imposer malgré les nombreuses restrictions ministérielles, et malgré le fait qu’il est connu et montré que les devoirs ne facilitent pas les apprentissages comme ils le devraient, et augmentent les inégalités scolaires. Pour beaucoup de parents, et d’enseignants, les devoirs restent indispensables car ils constituent le lien privilégié entre l’école et les familles. Aussi, il serait vain de supprimer les devoirs sans penser ce lien nécessaire. A ce titre, le cahier des apprentissages peut présenter de nombreux avantages comme outil pour tisser un nouveau lien entre les temps scolaires et extra-scolaires.

L’une des attentes les plus fortes des familles est en effet de savoir ce qui se passe en classe, et qui est bien souvent une boîte noire pour elles. Or, la consultation du cahier de textes (numérique) et les devoirs à réaliser n’en donnent qu’un aperçu et ne précisent pas forcément quels sont les enjeux d’apprentissage.

Le cahier des apprentissages ne se confond avec le cahier d’un enseignement. A l’école primaire et au collège, il concerne toutes les disciplines, et porte sur le travail de l’élève. L’élève doit verbaliser seul ou en groupe les apprentissages effectués lors de la journée, sur le temps scolaire, en classe ou non. Il remplace ainsi le cahier de texte. Ce cahier des apprentissages permet aussi de répondre au morcellement des disciplines au collège. Le travail de rédaction est lui-même une étape indispensable dans l’acquisition des compétences et des connaissances, car c’est un exercice de méta-cognition pour les élèves. Aussi, il est nécessaire que cette activité soit préparée et accompagnée par le professeur afin que progressivement les élèves agissent avec une certaine autonomie. De même, le niveau d’exigence augmente en fonction de l’âge et des progrès des élèves. Cette autonomie se développera par la capacité des élèves à faire les liens entre les différents apprentissages. Cette mise en cohérence doit elle-même être facilitée par le travail des enseignants.

Quelle forme peut prendre ce cahier d’apprentissages ? Quelles activités et productions demander aux élèves ?

  • Un journal quotidien des apprentissages, où l’enfant écrit à la première personne, du pluriel pour raconter ce qui a été fait en classe, du singulier pour raconter ce qu’il a appris, compris ou pas. Ce journal peut s’ouvrir aux activités périscolaires et extrascolaires et devenir un outil de liaison dans le cadre d’un Projet éducatif Territorial.
  • Un cahier d’activités pratiques qui comporte tant de pages quadrillées pour la rédaction que de pages blanches pour dessiner des cartes mentales. Ces cartes mentales permettent de synthétiser une séquence d’apprentissages pour la mémoriser, pour la comprendre, en mettant en relation sa structure, les liens entre ses éléments.
  • un sommaire complété par la fin, voire des index (des cartes mentales), qui permet de mettre en ordre le journal dont l’avancement est chronologique.
  • une partie initiale peut aussi être consacrée à l’évaluation de l’élève, avec la liste des compétences qui sont travaillées dans l’année. Cette liste ordonnée sert à définir l’horizon de progression attendu par l’élève. L’élève complète ses réussites comme autant de trophées ou de petits diplômes qui certifient l’acquisition d’un palier d’apprentissages.

Que ne doit pas contenir ce cahier des apprentissages ?

  • des exercices : pas d’exercice d’application en mathématiques, pas de listes de mots à recopier, pas de textes à trous… Le cahier des apprentissages n’est ni un cahier de brouillon, ni un cahier consacré à une discipline
  • des photocopies de documents de cours, des synthèses toutes prêtes. C’est un cahier personnel à l’élève, composé par lui-même, même si ce travail nécessite de l’accompagnement par des adultes, dont les professeurs.
  • des mots de parents ou de professeurs. Considérons ce cahier comme l’ « oeuvre » de l’enfant. Admettons même sa personnalisation.

Quand et comment l’élève complète-t-il ce cahier des apprentissages ?

  •  Sur le temps scolaire. C’est l’exigence et l’intérêt de cette affaire, puisque remplaçant le cahier de textes (où sont notés les devoirs), les élèves complètent ce cahier d’apprentissages qui fait le lien avec les familles. Ces temps sont divers : 
  • En classe, le professeur aménage des temps pour que les élèves complètent le cahier. L’organisation de la leçon doit prévoir cette phase indispensable aux apprentissages. Guidés par le professeur, les élèves développent leur autonomie dans cette tâche. Ils peuvent solliciter le professeur pour relire le texte, pour vérifier s’ils ont bien compris. Le professeur peut aussi faire travailler les élèves en groupe. L’essentiel doit être fait en classe.
  • En dehors de la classe, l’élève dispose de temps divers : permanence en collège, temps du travail individualisé, accompagnement divers, tutorat…

Qu’est-ce que cela change pour les parents et les enseignants ?

  • C’est un nouvel objet de liaison entre la famille et l’école. Il remplace le cahier de textes. 
  • L’élève n’est plus obligé de produire des travaux écrits le soir. Mais il peut devenir réellement autonome dans l’organisation de son travail. Il peut améliorer son cahier, réaliser une carte mentale supplémentaire, prendre de l’avance ou rattraper du retard, faire le point sur ces évaluations… sans que cela relève d’un travail scolaire obligatoire. Du coup, la forme de l’accompagnement parental change, devenant réellement un accompagnement, et non un travail pédagogique se substituant à l’enseignant.
  • La nouveauté pour les enseignants du collège est d’utiliser un outil d’élève commun, où figurent toutes les disciplines. L’usage du cahier des apprentissages peut mener à l’harmonisation de pratiques pédagogiques qui facilitent et stimulent les apprentissages, de même qu’il doit inciter à une programmation commune des thèmes d’enseignement dans l’année, quand cela est possible.

Une version numérique 

L’usage de l’informatique s’avère pertinent pour créer collectivement une version numérique accessible à tous, sous la responsabilité du professeur. Cette version numérique du cahier des apprentissages peut être diffusée via les Environnements Numériques de Travail qui s’installent progressivement comme l’outil de liaison principal entre école et familles, ou autrement via un blog. Il ne s’agit pas de proposer en temps réel un texte qui empêche le travail individuel de l’élève. Mais de proposer au moment jugé opportun par le professeur quelques repères collectifs qui permettent aux élèves et aux familles de situer les travaux des élèves avec une référence construite et validée par le professeur. Les familles bénéficient ainsi d’un document plus riche portant sur les apprentissages et les objectifs cognitifs. Comme sur les cahiers de texte actuels, le professeur peut lister des ressources numériques à consulter (celles qui le seront dans le cours, d’autres en plus) pour enrichir le cours.

Conclusion

Le cahier des apprentissages de l’élève est utilisé par les parents et les enseignants pour suivre le travail de l’élève et de la classe. Il prend place au coeur de la relation famille-école. Le contenu peut servir aux parents à accompagner les enfants, tout simplement en relisant ensemble le cahier, en instaurant une discussion sur les objets d’apprentissage. La planification des apprentissages et des thèmes enseignés dans le temps (par exemple sur le trimestre) peut aussi permettre aux familles d’anticiper et d’accompagner leurs enfants. Enfin, ce cahier des apprentissages est un outil efficace pour le suivi individualisé des élèves.

Voir aussi notre article « Le cahier des apprentissages : de la théorie… à la pratique dans les classes »

6 réponses à “Le cahier des apprentissages pour remplacer les devoirs ?

  1. J’ignore ce qui se fait en France, mais je peux vous assurer que j’ai déjà expérimenté avec succès cette façon de faire. Bien sûr, il y avait quelques nuances, comme le fait que le parent pouvait signer le carnet quand son enfant lui avait fourni une démonstration de ce qu’il avait appris au cours de la journée, que ce soit l’algorythme de la soustraction ou une notion nouvelle en musique. Il était alors important, aussi, que ce carnet ne soit pas exclusivement réservé aux apprentissages académiques. Si un enfant avait appris à résoudre un conflit, par exemple, ce pouvait très bien en faire partie.

  2. Dans le cahier d’apprentissages que je demande à mes élèves de 14 ans de tenir pour mon cours d’économie, il y a 4 parties: la partie « j’anticipe » (j’imagine comment je vais devoir réutiliser ce que j’ai appris), la partie « comment j’apprends? » (je les accompagne avec la pédagogie des gestes mentaux pour leur faire prendre conscience de leurs stratégies d’apprentissage), la partie « mes questions » (ils y notent les questions qu’ils se posent vis-à-vis de la matière) et enfin la partie « Ni rouge, ni vert » (en début de leçon ou en fin ou à la maison, ils notent tout ce dont ils se souviennent à classeur fermé et ensuite, avec le classeur, se corrigent en rouge et se complètent en vert – l’objectif est, à terme, de ne plus avoir ni rouge, ni vert – idée glanée en formation).

    Prochaine étape: utiliser des tablettes numériques pour faire ce travail.

    Savicle

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