Puisqu’on vous dit que la note, ce n’est pas le problème !

thermomètre casséL’apparition du socle commun de connaissances et de compétences a introduit, avec le livret personnel de compétences, une « nouvelle » façon d’évaluer au collège, qui, si elle a pu jeter le trouble, a alimenté le débat sur l’évaluation des élèves. La refondation de l’école s’est donnée pour objectif de renouveler le socle commun et d’aller vers une évaluation positive des élèves. Le Conseil Supérieur des programmes travaille à cette rénovation, où la question de l’évaluation est capitale.

Noyer le poisson

Les opposants à l’évaluation des compétences, comme les syndicats du SNALC et du SNES, présentent constamment des arguments qui jouent du même registre :

  • « on veut casser le thermomètre » – Voire faire baisser le niveau… même s’il n’est pas à souhaiter pour la médecine, et les patients, qu’on use d’un instrument qui puisse indiquer une fièvre selon le docteur.
  • « personne ne sait ce que c’est qu’une compétence » – même si elles sont utilisées par ailleurs et depuis longtemps dans le système éducatif.
  • « les points rouges, ce n’est pas mieux que les mauvaises notes pour l’estime de soi ». Sous-entendu : on va peut-être arrêter de s’en faire pour ces petits-chéris, ce n’est pas comme cela qu’ils vont grandir.
  • « les parents ont besoin de repères clairs ». Mais certainement pas qu’on sorte de l’implicite des notes.
  • « la note évalue le travail et jamais l’élève ». Et les biais de notation n’existent pas c’est bien connu.
  • « l’important ce n’est pas la note, c’est ce qu’on en fait ». Là dessus on est d’accord !

Faisant jouer un bon sens pragmatique, les partisans de la note précisent qu’on a tous connu cela et qu’on s’en est sorti, qu’on a pas trouvé mieux (depuis les Jésuites…), que de tous les systèmes, c’est le moins mauvais.
Que la note puisse constituer une menace sur les apprentissages, n’est même pas de l’ordre du débat puisque cette idée est inenvisageable par les partisans des notes. Les 4M de la note (motivation, mérite, marché, mesure) de la note sont ici des évidences.

Des notes dont on fait… des moyennes

Mais bizarrement sur ce point, les partisans de la note négligent systématiquement la question des moyennes trimestrielles. C’est pourtant une réponse évidente à la question : que fait-on des notes au collège et au lycée ? Des moyennes. Que fait-on des moyennes ? L’instrument de l’orientation des élèves. Ce n’est pas dénué de logique. Ce qui ne se dit pas à propos des moyennes :

  • on n’a pas trouvé plus pratique et plus lisible pour organiser le tri des élèves et les comparer entre eux.
  • c’est une formidable réduction de l’être humain (ou de son travail) à un référence chiffrée.
  • les moyennes compensent tout, au sein des disciplines, entre les disciplines. Il n’y a pas mieux pour conserver l’implicite scolaire.

La consultation de l’ensemble des bulletins trimestriels (traditionnels) d’une classe sur une année est à ce titre éloquente.

Pourquoi revoir l’évaluation des élèves ?

Les vrais enjeux d’une réforme de l’évaluation concernent tant l’acte pédagogique en lui-même, que les usages qu’on en fait (pédagogiques, institutionnels), et notamment, la communication aux familles :

  • accompagner les apprentissages scolaires pour faire progresser les élèves en leur laissant le temps nécessaire.
  • faire baisser la pression évaluatrice, qui est contre-productive. Les équipes pédagogiques doivent mener une réflexion et déterminer des pistes d’action sur cette question.
  • baliser le parcours et donc à ce titre être le plus explicite possible
  • renvoyer des informations sur les acquisitions, sur les problèmes rencontrés
  • permettre une vision globale de l’élève et pas seulement cloisonnée par les disciplines. Le conseil de classe actuel ne permet pas d’avoir cette vision globale.
  • certifier in fine des niveaux de maîtrise.

C’est face à cet examen des enjeux que les moyennes se révèlent finalement assez faibles. Ces enjeux sont dépendants d’autres transformations nécessaires touchant aux programmes, à l’organisation des examens ou de l’orientation.

Mais dans toute optique de changement, on doit aussi entendre les craintes légitimes pour les enseignants, les parents, les élèves :

  • crainte de passer d’un système de référence à un autre, qu’on ne comprend pas forcément
  • crainte de faire différemment des autres, de ne pas être dans la norme
  • crainte des changements de réforme incessants, des effets de mode

Changer sans brusquer

Ce changement est déjà entamé par de nombreuses équipes pédagogiques qui expérimentent les classes sans notes. Mais il sera rendu possible par un référentiel de compétences autrement plus pertinent que le LPC actuel. Les compétences permettent cette avancée à condition que ce changement respecte quelques principes :

  • Définir clairement les niveaux de maîtrise attendus dans chaque discipline (didactisation des compétences), mais aussi les attendus plus généraux sur ce qu’on peut appeler le métier d’élève (compétences transversales).
  • Revoir les bulletins trimestriels en ne renseignant plus des moyennes, mais en précisant les progrès et les difficultés rencontrés, les conseils, les niveaux de maîtrise.
  • Ne pas imposer un système d’évaluation, mais penser un système de référence d’évaluation commun. Les notes gardent leur pertinence pour évaluer un travail, mais on peut aussi s’en passer, notamment au nom de la liberté pédagogique.

Puisqu’on vous dit que la note, ce n’est pas le problème ! Les professeurs sont convaincus, à raison, d’évaluer positivement, de valoriser et de conseiller leurs élèves.

Le vrai problème reste encore de sortir des impasses (réduction et compensation des moyennes, pression évaluatrice) et de l’impuissance (incapacité à éviter les réussites et les échecs abusifs, à suivre les profils et parcours des élèves) actuelles.

Le débat sera-t-il seulement correctement posé ? Nous entendons oeuvrer pour.

 

Notre dossier sur l’évaluation des élèves indique de nombreuses références et pistes d’action :

https://ecolededemain.wordpress.com/tag/sansnotes/

Notre dossier sur les compétences fait de même :

https://ecolededemain.wordpress.com/tag/dossier-competences/

4 réponses à “Puisqu’on vous dit que la note, ce n’est pas le problème !

  1. Je suis très largement d’accord avec ce point de vue. Il me semble important de souligner, et d’opposer à nos collègues partisans de la note que celle-ci N’EST PAS une évaluation, qu’en réalité elle prend la place (offusque, oblitère) toute véritable évaluation, et que c’est même peut-être là sa vraie fonction, la première. Ce qui signifie qu’ils sont eux-mêmes les VRAIS adversaires de toutes vraie évaluation, et qu’ils devraient bien nous dire pourquoi, nous dire ce qu’au fond ils ont à cacher. À savoir qu’une vraie évaluation ne peut être que positive (ce que tu indiques) et qu’en outre elle met en cause la qualité et l’efficacité de l’enseignement prodigué au moins autant que les compétences de l’élève. Mais j’ai développé cela ici > http://christianjacomino.wordpress.com/2014/04/13/levaluation-interdite/

  2. Les notes sont juste une représentation numérique du travail fourni et des compétences acquises. J’aime les notes parce qu’il y a une vraie différence entre un 12 et un 13. Et entre un point rouge et un point orange, la nuance n’est plus si claire. Je vois bien les profs utiliser toute une gamme de nuances oranges… Prof de maths spécialisation nuances de couleurs… La gradation dans la note est palpable mais moins dans l’évaluation globale. La locution « en cours d’acquisition » complique la lecture du progrès. Sur une année scolaire, un item peut-être en cours d’acquisition mais avec du progrès. Et ça ne se voit pas.
    Mettre une note basse c’est le reflet d’un problème et il faut arrêter de voir cette note comme pénalisant. Si une note est basse c’est que l’apprentissage n’est pas terminé. Il faut réapprendre aux enfants et aux parents que la note ce n’est que le reflet à un instant T des connaissances de l’enfant. Ça ne veut pas dire que c’est un demeuré. Cela veut dire qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.
    Pour terminer, la note n’est rien si elle n’est pas accompagnée d’un message. Sur le bulletin, ce message est destiné aux parents. Mais sur une copie le message est destiné à l’enfant. Bien que cela demande du travail il faudrait une grille d’évaluation qui accompagne chaque devoir pour que l’enfant comprenne où sont ses difficultés. Mais quand on a 35 élèves, je comprends que les profs n’aient pas envie de s’y coller.

  3. Vous posez un vrai problème et c’est vrai que beaucoup d’enseignants ont des problèmes avec la note. A leur décharge, il n’y aucune formation en docimologie (la preuve que la note ne pose pas de problème !). Actuellement, il me semble que le principal soucis au collège est la mise en place de programmes extrêmement complexes et spécialisés, n’offrant que peu de passerelle entre les matières.

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