UNE NOUVELLE DONNE POUR L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE

progression-spiralaireLes nouveaux programmes d’histoire-géographie de l’école et du collège sont à peine connus qu’ils sont déjà sous la coupe de la réaction médiatique. Pourtant, les changements dans ces programmes ne sont pas tant liés aux thèmes d’enseignement qu’à la place et aux contours redéfinis de l’histoire-géographie dans le cadre du socle commun.

 Des continuités et des ruptures essentielles

Une première analyse des programmes d’histoire-géographie permet de lister simplement les différences entre avant et après, marquant des ruptures et des continuités :

  • l’éducation civique est à part, remplacée par l’EMC (programme indépendant).
  • il n’y a plus une liste officielle de repères chronologiques et spatiaux que l’élève doit mémoriser. Les thèmes d’enseignements sont appelés « repères annuels de programmation ». Les enseignants doivent traiter tous les thèmes mais sont amenés à effectuer des choix dans les sujets étudiés. Les enseignants ont plus de choix qu’auparavant.
  • comme tous les programmes de discipline, ils s’inscrivent à la fois dans des programmes de cycles renouvelés, et ils sont reliés au socle commun. Le volet 2 des programmes explicitent la contribution des disciplines au socle commun.
  • on ne parle plus de capacités mais bien de compétences pour l’histoire-géographie. Ces compétences sont redéfinies et sont désormais au cœur des programmes.
  • les thèmes d’enseignement changent peu, malgré l’introduction de quelques nouvelles questions. Les repères sont toujours annuels. Cela facilitera la mise en œuvre globale des nouveaux programmes en 2016.
  • les démarches sont toujours prescrites, mais elles sont rattachées aux compétences, et non aux sujets traités. C’est plus explicite, moins répétitif, et on sort de la focale trop marquée la méthode inductive (les études de cas) imposée dans les programmes de 2008. L’enseignant choisira, dans les thèmes étudiés, la façon dont il développera les connaissances et les compétences des élèves.

Au final, on peut retenir que ces programmes, beaucoup moins bavards que les précédents :

  • s’inscrivent dans la continuité des anciens programmes mais en renforcent certains traits (des compétences définies, plus de liberté mais aussi de responsabilité).
  • laissent beaucoup plus de choix et de responsabilité aux enseignants dans la mise en œuvre des programmes.
  • sont des programmes sensibles aux questions de société, aux enjeux du monde contemporain, à la connaissance de la France et de l’Europe, et sont ouverts sur le monde.
  • s’inscrivent dans une réelle progressivité dans le cycle et entre les cycles.

L’histoire-géographie : nouvelle donne ?

Ces nouveaux programmes d’histoire-géographie ne peuvent être critiqués sans analyser le cadre dans lequel ils s’inscrivent. Avec la loi de refondation, le Conseil supérieur des programmes est chargé d’une part de proposer de nouveaux programmes de cycles, cohérents, progressifs, avec le socle commun comme objectif. D’autre part, le ministère met en place, parallèlement, une réforme du collège. Tout s’appliquera à partir de la rentrée 2016. Trois facettes  méritent d’être détaillées.

De nouvelles compétences ?

Les nouveaux programmes définissent en premier lieu les compétences travaillées en histoire-géographie, avant de lister les thématiques enseignées.

Compétences des programmes 2016 Capacités des programmes de 2008
Se repérer dans le temps et l’espace Localiser, situer
Comprendre et analyser un document Décrire
S’informer dans le monde du numérique Expliquer
Raisonner Raconter
Pratiquer différents langages Lire et pratiquer différents langages
Coopérer et mutualiser Porter un regard critique
+ compétences en EMC Réaliser un croquis

On constate des continuités (le travail du document, le repérage, le raisonnement, l’explication) mais on est également surpris que ces compétences en réalité partagées soient ainsi attribuées à l’histoire-géographie : coopérer et mutualiser, s’informer dans le monde du numérique. Ces compétences posent un certain nombre de questions didactiques et interrogent les finalités de cet enseignement. Les compétences sont ainsi déclinées en attendus de fin de cycle, en composantes, les démarches pour apprendre, outils et supports sont listés. Ces tableaux sont par contre perfectibles. Nous reviendrons sur ces questions didactiques dans un autre article.

Ces compétences redéfinies, et regroupées, ne sont donc pas forcément nouvelles. Mais on doit toutefois se satisfaire qu’enfin les programmes d’histoire-géographie s’approprient le concept de compétences, et s’inscrivent ainsi pleinement dans l’esprit du socle commun. C’est sans aucun doute l’avancée principale.

Une approche spiralaire et curriculaire

L’autre avancée est de lier étroitement entre les cycles les compétences et les thématiques d’enseignement de l’école et du collège, avec toutefois des nuances.

Concernant les compétences, ce sont les mêmes pour le cycle 3 et pour le cycle 4, pour l’école et pour le collège. C’est un gage pour la progressivité des apprentissages.

Concernant les thématiques, les programmes articulent logique de cycle et celles de degrés d’enseignement :

  • Le programme d’histoire de CM1-CM2 est centré sur la construction de la France, après un premier thème sur les traces de l’histoire dans l’environnement des élèves. Arrivés en 6ème, les élèves repartent pour une boucle chronologique, centrée sur l’Antiquité, comme actuellement. Sur le cycle, toutes les périodes sont bien étudiées. Cette organisation a du sens. Elle permet à la fois aux professeurs d’histoire-géographie, et aux élèves du cycle 3 d’aborder toutes les périodes de l’histoire. Au cycle 4, le programme d’histoire gagne un nom : « connaître le passé, comprendre le monde actuel. »
  • Le programme de Géographie de cycle 3 est centré sur la notion d’habiter. Au cycle 4, il gagne un nom également : « appréhender les enjeux du monde actuel » avec des thématiques déjà enseignées au même niveau de classe : développement durable en 5ème, mondialisation en 4ème, France et Europe en 3ème.

Au final, les changements de thématiques sont plus importants pour les enseignants de l’école élémentaire que pour ceux du collège. Mais on peut penser que cette entrée dans l’enseignement de l’histoire, et surtout de la géographie, sera plus intéressante pour professeurs et élèves de primaire.

Les programmes d’histoire-géographie de cycle 3 et 4 ont donc été construits dans une conception commune et complémentaire. C’est un pas décisif vers une approche spiralaire de l’enseignement, qui n’était pas jusque là convaincante (se bornant à répéter uniquement les thèmes d’enseignement). C’est aussi l’inscription des programmes d’Histoire-géographie dans une approche curriculaire plus globale, qui définit les objectifs de la scolarité, relie les disciplines et la contribution de chaque enseignement à ces objectifs. Néanmoins, les volets 2 des cycles 3 et 4 ne sont pas, à ce titre, conçus de la même façon. Il faudra que le CSP harmonise complètement la façon dont l’histoire-géographie contribue à l’acquisition du socle commun.

Plus d’ouverture vers les autres disciplines ?

Dernier enjeu pour ces programmes, celle de son ouverture vers les autres disciplines.

On pourrait en premier lieu reprocher à ces programmes de ne pas assez privilégier des entrées géo-historiques. Des questions comme le peuplement de la planète, le développement, la santé publique, les moeurs, la démographie, les sociétés face aux risques, notamment climatiques… mériteraient de pouvoir être traitées à la fois dans le temps long, et sur des espaces variés. Il ne s’agit pas de remettre en cause une approche chronologique des programmes, mais de permettre aux élèves (et aux enseignants) d’aborder une question de manière plus globale. Sans doute les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires autoriseront-ils ce genre de démarches, mais on apprécierait qu’elles soient plus légitimées. Cette remarque est également valable pour les questions traitées dans le programme d’EMC. Si les liens entre Histoire, Géographie et EMC sont évidents, l’organisation des programmes ne les favorise pas comme il le faudrait.

Par ailleurs l’histoire-géographie doit s’ouvrir aux autres disciplines. Traitant de questions de société, s’appuyant sur de grands textes, explorant les progrès de la science mais aussi les enjeux de mémoire, la confrontation à l’altérité, ces disciplines le font naturellement. Mais là encore les programmes doivent faciliter les ponts entre les disciplines, identifier des thématiques communes inscrites dans le texte, et pas s’en remettre uniquement au bon génie de l’enseignant.

Cette ouverture de l’histoire-géographie n’est pas une menace. Aujourd’hui la culture historique et géographique des élèves ne dépend plus, et sans doute dans des proportions importantes, que de l’enseignement de l’histoire-géographie. D’autres disciplines contribuent à créer des repères dans le temps et l’espace, à analyser des documents variés, à produire des discours et des raisonnements. La discipline doit s’ouvrir pour mieux se confronter aux autres, pour mieux les compléter et aussi pour partager la spécificité du raisonnement histoire et géographique. Il s’agit, à travers les tâches complexes ou encore les projets menés dans les EPI, d’abattre quelques cloisons, ce qui profiteraient à tous, élèves comme professeurs. La menace serait plutôt l’enfermement.

Ces premiers éléments d’analyse dressent déjà en creux des propositions que nous pourrons avancer au CSP pour améliorer ces programmes d’histoire-géographie. Si nous soulignons des avancées certaines, encore perfectibles, d’autres leviers peuvent être actionnés pour mettre en œuvre un enseignement de l’histoire-géographie « connecté » (prochain article).

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