Comprendre le fonctionnement des neurones en primaire

L’année scolaire 2015-2016 j’ai eu la chance de faire un projet dans le cadre de l’éducation par la recherche proposé par les Savanturiers du cerveau.

J’ai connu ce programme et leurs propositions grâce au réseau social Twitter, sur lequel on retrouve, en plus d’un réseau d’entraide d’enseignants dynamiques et motivés par l’innovation pédagogique, des chercheurs et des associations avec des idées formidables.

Je suis professeure des écoles depuis 20 ans, j’ai une formation linguistique et littéraire et les sciences sont mon grand point faible au niveau didactique, celui où je cherche souvent des ressources toutes prêtes pour me sentir en sécurité en classe.

Je n’aurais jamais osé mener un projet d’éducation par la recherche sans la proposition rassurante des Savanturiers, dont un des atouts essentiels est la mise en relation des enseignants avec des chercheurs.

Ma classe rurale de 15 élèves  (CE1, CM1 et CM2) faisait partie d’un RPI en recomposition, les élèves venant de 3 écoles différentes. C’était ma première et ma dernière année avec eux, puisqu’on est maintenant regroupés sur un seul lieu et ils sont dans d’autres classes. Je cherchais des projets qui soudent et sécurisent ce groupe classe « en transition ». Des situations qui nous aident à travailler ensemble, à collaborer et à mieux gérer nos émotions. J’ai dit aux élèves que nous allions travailler sur le fonctionnement du cerveau et que je ne savais pas beaucoup de choses à ce sujet, que nous allions chercher et découvrir ensemble avec l’aide de chercheurs. Je n’avais vraiment aucune idée autre que de partir des questions des élèves et de chercher… pour mieux vivre et apprendre ensemble. Une motivation plus philosophique que scientifique, j’avoue.

Nous avons été accompagnés par deux chercheurs en neurosciences cognitives : Mariam Chammat et Albert Moukheiber, qui font également partie d’une structure dédiée à l’entrainement de la pensée critique  qui s’appelle Chiasma. Nous avons communiqué avec eux par mail et nous avons fait leur connaissance « en direct » lors de 2 visioconférences, où les échanges avec les enfants ont été d’une extrême richesse.

Nous sommes partis de ce que les élèves savaient ou pensaient savoir (dessins, formulations orales) et les enfants ont listé toutes leurs questions. Pour certaines nous avons trouvé plus ou moins vite des réponses grâce à la recherche documentaire organisée en classe. Des livres, des vidéos et des ressources proposées par les chercheurs ou  apportées de la médiathèque ont été d’une grande aide.

Pour mieux comprendre le fonctionnement des neurones nous avons fait des modélisations simples et des expériences que vous trouverez sur le blog des Savanturiers du cerveau.

Mariam Chammat nous a proposé de découvrir le fonctionnement des sens à partir d’expériences qui montraient souvent nos biais cognitifs. Les enfants n’ont pas tardé à les relever et ce fut en fait l’élément clé du projet à mon avis, celui qui les a le plus interpelé.

En découvrant le chiasma optique et les illusions visuelles  ils ont constaté que ce que l’on voit n’est pas forcément toujours vrai…  Les enfants ont recueilli des données en faisant faire les mêmes expériences aux membres de leur famille.

Le jeu des odeurs secrètes leur a montré à petite échelle que les circuits de neurones  entrainés nous permettent de reconnaitre une odeur et pas une autre et que cette capacité  était encore plus forte si certains associaient une odeur à un événement ou à une habitude…

Nous avons échangé avec Mariam sur ces « interférences » dans le cerveau et elle nous a proposé de faire un test de « stroop » (il montre le ralentissement des réponses et l’augmentation d’erreurs quand on lit les couleurs de mots, qui sont écrits eux-mêmes dans une autre couleur).

Un tableau de données fait par les élèves montrait clairement comment même les très bons lecteurs étaient perturbés. Cela était confirmé par les résultats recueillis dans les familles aussi.

Les enfants ont formulé une hypothèse  :  l’environnement peut nous perturber et nous tromper. Ils allaient inventer un test de stroop  en cherchant des éléments « perturbateurs » quand la fin de l’année est arrivée trop tôt ! Finalement nous n’avons pas eu le temps d’écrire nos dernières expériences sur le blog et je crois que nous n’avons peut-être  pas fait un protocole « formel » de recherche, mais ce n’était pas grave du tout !

Tout ce chemin a été truffé de découvertes et l’entrainement à la pensée critique, scientifique et à la collaboration a été pour mes élèves et moi d’une grande richesse. Pour ceux qui pensent que l’étude du fonctionnement du cerveau n’est pas dans les programmes de l’école primaire je peux répondre que ce projet nous a permis de travailler des compétences essentielles du Socle commun de façon interdisciplinaire, le projet concernant les disciplines suivantes : français, sciences du vivant, arts visuels, mathématiques (traitement de données ) et Education Morale et Civique.

Je ne peux qu’inviter les enseignants à se lancer dans cette aventure, exigeante mais très enrichissante. Je ne connaissais pas grand chose sur le sujet et c’est en faisant ce premier projet que j’ai beaucoup appris et je pense que mes élèves aussi. Même isolés dans un village d’une centaine d’habitants en classe unique, nous avons pu bénéficier d’un accompagnement bienveillant et de haute qualité, et je tiens encore à remercier les chercheurs et les organisateurs des Savantures.

Pour ma part, après un an de pause, je participe actuellement au MOOC Education par la recherche : conversion numérique à l’école sur la plateforme FUNMooc et j’espère faire avec ma classe de CP/CE1 un projet pluridisciplinaire sur la robotique avec Les Savanturiers du Numérique.

Antonia Carriquiry (@Pinpi64 sur Twitter)

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